Login

Bonne ambiance sur les marchés

Prix soutenus, coûts de production faibles, les fabricants d’engrais minéraux sont à l’aise. Les importateurs de solution azotée un peu moins.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

C’est une campagne qui s’engage sous de meilleurs auspices du point de vue des fabricants d’engrais. Déjà, après de bonnes récoltes, les achats de la distribution ont été très actifs à la fin du printemps et à l’été. « De ce que l’on entend, le marché est plutôt bien couvert en engrais azotés », confirme Gautier Maupu, consultant chez Agritel. Ce début de campagne dynamique s’est passé dans un contexte de prix relativement soutenus. L’ammonitrate valait mi-mai 250 €/t, « au plus haut pour un début de campagne depuis 2015 ». Certes, il y a un effet amplificateur lié à la baisse de la parité €/$ (1,11 contre 1,20 en mai 2018). Mais, surtout, les producteurs d’ammonitrate ont tiré profit de la vigueur de l’urée et de la solution azotée, cette dernière valant 165 €/t à Rouen en mai 2019 (contre 140 €/t un an plus tôt). Un prix auquel il faut désormais ajouter le coût de la mesure antidumping décidée par Bruxelles (lire p. 52).

Le gaz naturel très peu cher

Cette fermeté générale des prix dans les engrais azotés va pourtant totalement à l’encontre de la baisse, au moins de moitié en un an, des cours du gaz, ce dernier étant à l’origine de la fabrication de l’ammoniac. De là à dire que les azotiers se gavent, il n’y a qu’un pas que certains franchissent en coulisses. D’autant que l’ammonitrate plafonnait encore début novembre à 286 €/t façade Atlantique, alors que les cours de l’urée et la solution azotée se dépréciaient, la demande étant au point mort actuellement en Europe, comme cela l’est habituellement à cette époque de l’année. Cette divergence laisse présager une baisse des prix de l’ammonitrate en cours de campagne, ce qui n’est pas commun. « À un moment donné, il y a des producteurs qui vont vouloir déstocker, et puis ça peut vite devenir la course à l’échalote vers la contraction des marges », estime Jean-Luc Pradal, DG de Fertiberia France. Et de rappeler que même si le contexte est plus favorable cette année, l’industrie européenne n’est pas très florissante.

L’Inde et le Brésil à la manœuvre

Concernant les engrais de fond, si la potasse est au même prix qu’il y a un an cet automne, le DAP n’avait pas été aussi peu cher depuis deux ans en France, à 313 €/t début novembre, contre 427 €/t il y a un an. Et encore, la baisse de la parité euro/dollar limite le mouvement. « Aux États-Unis, le DAP est au plus bas depuis dix ans », pointe Gautier Maupu. « Même si on entrevoit une situation plus équilibrée dans les années à venir, on estime à 1 Mt de P205 en trop sur le marché », justifiait Armelle Gruere, de l’Ifa, l’association internationale des industriels de la fertilisation, lors des Rencontres de l’Afcome, qui se sont tenues à Nantes début octobre. Elle exposait justement la vision de l’Ifa sur le marché global des fertilisants, en s’appuyant sur les projections à 2023-2024 et en les comparant à la moyenne des trois dernières campagnes. La demande mondiale passerait ainsi de 190,1 Mt d’engrais à 203,5 Mt, et 41 % de cette hausse serait imputable à l’Inde et au Brésil, devant les États-Unis. Et c’est la première fois que l’Afrique subsaharienne (avec l’Éthiopie et le Nigeria) fait son apparition dans le top 10 des pays contributeurs. Une première également : l’Asie de l’Est, qui reste la région qui consomme toujours le plus d’engrais au monde, n’est plus le gros contributeur à cette croissance. « La Chine est en phase de transition, voire de décroissance, puisqu’elle devrait voir sa demande baisser de 1 % sur la période », appuie-t-elle. La consommation de potassium atteint un plateau, et celles d’azote et de phosphore commencent déjà à diminuer.

L’industrie chinoise en déclin

L’industrie chinoise fait en effet face à une réglementation plus stricte et un arrêt des subventions à la production d’engrais qui engendrent la fermeture des ateliers inefficaces ou dangereux. « La demande chinoise en DAP/MAP a atteint son pic en 2013 et, depuis 2017, les capacités de production diminuent », signale Hicham Benkirane Mtitou, du géant marocain OCP, même si la Chine reste de très loin le premier producteur en la matière. « Rien qu’en 2017-2018, l’industrie chinoise de l’azote a fortement décliné, informe Chris Reynolds, chez Nutrien. C’est l’équivalent de dix usines d’urée mondiales retirées de l’offre. » Et la Chine a encore prévu de baisser de 6,2 Mt ses capacités d’ammoniac entre 2018 et 2023. Elle ne représentera plus que 26 % de la capacité mondiale en 2023, contre 30 % en 2018 et 35 % en 2014.

A contrario, l’Inde, deuxième consommateur d’engrais au monde (27 Mt) derrière la Chine (48 Mt), avance à marche forcée. Mais elle importe 32 % de sa demande, notamment du phosphate (seuls 6 à 8 % du P utilisé sont d’origine domestique). Naveen Chahal, fondateur du cabinet de consulting indien New Horizons Advisory, est persuadé que la consommation va continuer à croître et que l’Inde va chercher à la fois à diversifier ses sources d’achat et à réduire sa dépendance aux importations. En urée (80 % de l’azote consommé en Inde), « sept nouvelles usines sont en construction pour 9 Mt de capacité supplémentaire d’ici 2023, c’est énorme, informe ainsi Armelle Gruere. L’Inde, deuxième producteur d’urée au monde, ne sera quasiment plus importatrice ». En revanche, le sous-continent connaît des dommages environnementaux liés à la fertilisation et pourrait revoir son système de subventions des engrais et baisser les aides. On n’en est pas encore là : pour 2020, l’application d’engrais est budgétée pour être subventionnée à hauteur de 11 Mds$ !

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement